- OCTOBRE 2025 -
 
     
 


 

En passant par Paris

On se doute bien que Michel Tremblay a eu maintes fois l’occasion de faire des séjours dans la Ville Lumière. Il a choisi de nous faire partager quelques flashs de ces périples dans Paris en vrac. Il est beaucoup questions de terrasses et de restaurants. Avec Denise Filiatrault comme cicerone, ça ne manquait pas de piquant. Là où il nous fait une confession, c’est en avouant, complexe d’infériorité ? qu’il s’est toujours senti obligé de parler pointu avec nos cousins de l’Hexagone. Ensuite comment il refusa d’écrire pour la légendaire femme de théâtre Madeleine Renaud qui voulait qu’il lui ponde un rôle de style français classique. Pas question, on fait dans le québécois où on ne fait rien. L’auteur des Belles-Soeurs ne fait aucune concession à la défense de la langue québécoise.
Paris en vrac Michel Tremblay. Leméac/Actes Sud 124p.   

 


 

Quel est le sens de l’Histoire face à notre avenir incertain ?

Voilà la question qui est posée par le chercheur en histoire de l’Antiquité au CNRS Giovanni Battista Magnoli Bocchi dans son essai Le Mythe du progrès. Il donne un exemple frappant d’un jeune gaŗcon mendiant à Mumbai, portant un chemisier confectionné à Barcelone et qui rêve d’un smartphone. Par contre, il peine à se nourrir. Est-ce là le progrès. L’actualité nous ressasse toujours l’avènement du pire. On en est presque à rayer le mot espérance du vocabulaire. Bref, il va au-delà des idées reçues et tente de démêler l’écheveau de ce qu’on nomme progrès. L’homo sapiens a t-il tant évoluer que celà ?
Le mythe du progrès.    www.editionsatelier.com

 


 

Les thèmes de Serge Bouchard revisités en forme d’abécédaire

Notre co-éditeur a eu le privilège de s’entretenir lors de brèves avec Serge Bouchard sur le parvis de Radio-Canada entre deux émissions de ce dernier qui divaguait avec bonheur sur tout ce qui lui passait par la tête, à travers des volutes de fumée de cigarette. Des moments de grâce. Et un autre instant de grâce est cet abécédaire organisé par Olivier Parenteau qui est allé puiser des thèmes que l’on retrouve dans les écrits du célébrissime ethnologue et défenseur des Premières Nations. On se rend compte de l’immense culture de Bouchard qui frise l’érudition. Comment sa curiosité intellectuelle était sans limitation. A lire sans faite et même plus, ce livre est à placer au sommet de votre pile de titres à acheter sous peu. On sort de cette lecture grandi.
Serge Bouchard en toutes lettres Olivier Parenteau. Leméac 127p.  

 


 

C’était mieux dans le temps…ouais!

Les passéistes qui ne regardent jamais très loin dans le rétroviseur, ont la nostalgie facile, qui clament que c’était mieux avant. Allez lire Casser de Michel Besnier qui nous replonge dans la France de 1956. Pour résumer, ça brassait et pas à peu près, Songez à la guerre d’Algérie, les bombes dans la capitale française. Tellement un climat agité qu’il a fallu ramener De Gaulle pour rétablir l’ordre. L’auteur a bâti un roman qui a valeur de documentaire. Il restitue habilement le climat qui prévalait à ce moment-là. C’est fichtrement bien écrit. Non c’est l’Histoire qui se répète avec des hauts et des bas. A lire car vous connaissez la maxime “qui ignore l’Histoire est condamné à la revivre”.
Casser Michel Besnier. Le temps des cerises 138p.   

 


 

La vie n’est qu’un tissu de mensonges

Si vous ne le savez pas encore, c’est le mensonge qui est le ciment des rapports sociaux. Pour preuve, allez lire Destins croisés de la communicante béninoise Edwige Innocentia Bonou qui raconte les déboires, tenez-vous bien, d’une femme, engrossée par l’homme qui s’apprête à épouser sa soeur! Comme problématique on ne peut pas faire pire. Comment se sort t-on d’une situation aussi inextricable et comment en est-on arrivé là ? c’est tout ce qui fait le sel de ce court roman mais tellement explosif. Ce pourrait faire en passant un film sensationnel.
Destins croisés Edwige Innocentia Bonou. Éditions Baudelaire 115p.   

 


 

Deux Je qui deviennent Nous

Une pièce pour l’ère numérique! Ça n’a rien de banal. Autrefois des regards croisés annonçaient des futurs chargés de promesses. Aujourd’hui ce sont les messageries, les mots qui ont pris le relais. C’est à qui en quelques mots saura décrire ses sentiments. Bernard Anton en a conçu une pièce de théâtre Textos ardents publié semble t-il à compte d’auteur. 24 tableaux qui décrivent les relations à l’ère 2.0.
Textos ardents Bernard Anton. Éditions Rouge-gorge d’Amérique 156p.    www.bernardanton.com

 


 

Une anticipation policière sur fond d’immortalité

Sébastien-D. Bernier aime bien se projeter dans le futur. Il nous avait donné un roman sur le sujet de la déshumanisation et l’oppression. Il débarque cette fois avec Miraculée-es qui est une histoire assez complexe se déroulant en 2144 au poste de police de Québec. Pour le reste, et exceptionnellement, au vu des sujets qui s’entrecroisent, nous faisons suivre la quatrième de couverture, afin de ne pas trahir l’intention de l’auteur. “18 décembre 2144. Dollar Scraire-Bannantyne, commandant intérimaire du poste de police de Québec, devrait se réjouir de la mort de son supérieur, Perceval Moreau : il déteste l’homme et convoite son poste. Cela veut aussi dire qu’il sera bientôt débarrassé du clone incompétent de Moreau, Perceval 2 e , dont il a la garde professionnelle. Ironiquement, ce deuxième de perpétuité garantit le retour de Perceval Moreau, et l’idée même de la procédure ? vider un clone sain de sa conscience pour permettre à son original de prendre possession d’un corps frais ? répugne Dollar. À cela s’ajoute un changement d’attitude inquiétant chez sa propre sœur. C’est l’esprit empêtré que Dollar commet l’impensable pour un homme de son statut : aider Perceval 2 e à fuir et mener une fouille clandestine de l’appartement secret de sa sœur.Jamais il n’aurait pensé en sortir la conscience dédoublée…Avec Miraculé·e·s, Sébastien-D. Bernier replonge dans l’univers anxiogène de son premier roman, Asphyxies, pour livrer à travers une intrigue captivante une réflexion nécessaire sur la quête de l’immortalité.”
Un peu à la façon des auteurs brillants du genre de la fantasy qui savent mener plusieurs intrigues à la fois, Bernier s’en sort avec brio.
Miraculée-e-s Sébastien-D. Bernier. Les éditions Sémaphore 159p.   www.editionssemaphore.qc.ca

 


 

Pour tout vraiment savoir sur Margaret Atwood

Margaret Atwood est indéniablement l’écrivaine canadienne la plus renommée dans le monde. La série télé La servante écarlate a été le tremplin qui a accru sa notoriété. Elle, qui privilégiait en entrevue que l’on parle essentiellement de son travail d’écrivaine, a décidé de se livrer dans son autobiographie savoureuse Le Livre des vies Mémoires écarlates. Si l’enfance détermine tout le reste, la sienne a été vécue dans un cadre aimant et stimulant. Douée pour les lettres elle avait pondue à peine âgée de seize ans, un texte sur le soulèvement en Hongrie. Il y a aussi le descriptif de ses années d’études à Harvard puis sa période d’enseignement. Ensuite on voit en sa compagnie comment le Canada littéraire est perçue, notamment par nos voisins du Sud de la frontière. C’est un pavé énorme où il n’y a aucun ennui.
Le Livre des vies Mémoires écarlates Le Livre des vies Mémoires écarlates. Margaret Atwood. Robert Laffont 577p.     www.laffont.ca

 


 

Quand la maternité a des allures d’obstacle
Il y a quelques années, un sondage mené auprès de femmes, leur posait cette question à savoir que, sachant ce qu’elles savent de leur expérience de mère, auraient-elles donner naissance ? Et à un peu plus de soixante-dix pour cent la réponse fut négative. Et pour bien des motifs. C’est à cela que l’on songeait en parcourant les pages de Inlandsis deuxième roman de Marie-Pier Poulin qui enseigne la littérature au cégep André-Laurendeau, qui oppose un sérieux démenti au cynisme du grand homme de théâtre français Sacha Guitry qui affirma un jour que “ceux qui peuvent font, ceux qui ne peuvent pas enseignent”. Mon seulement dame Poulin est professeur certes mais aussi brillante écrivaine avec ce roman décrivant l’introspection sévère d’une femme qui a opté de devenir reine du foyter pour apr coup, s’interroger si elle n’a pas raté un rendez-vous professionnel épanouissant. Beaucoup de femmes dans cette situation se sentiront interpelées.
Inlandsis Marie-Pier Poulin. Les éditions Sémaphore 187p.    www.editionssemaphore.qc.ca

 


 

Mystérieuse Louise Marleau

Nos artistes, nos vedettes, commencent à se livrer. Il n’est pas trop tard, car longtemps on a souffert de l’absence de livres de souvenirs de ceux qui ont marqué les planches, le petit ou le grand écran. Voilà que c’est au tour de Louise Marleau de s’épancher. On sent qu’elle a dû se faire tirer la manche par Lorraine Pintal car notre comédienne n’a jamais été prolixe concernant les éléments constituants sa vie privée. D’ailleurs elle a toujours fui les journalistes, préférant vivre auréolée d’un certain mystère qu’elle entretient toujours. On aurait aimé en connaître davantage sur sa liaison tout de même pas banale avec Pierre-Elliott Trudeau. A peine sait-on qu’il voulait la marier mais à condition qu’elle tire un trait sur sa carrière. Il est question aussi de sa beauté qui l’a bien servi, de son talent pour jouer en langue anglaise alors qu’elle ne savait pas un traître mot avant de monter sur la scène de Stratford dans du Shakespeare. C’est une douée au caractère bien trempé, vue comme snob parfois, c’est écrit. Bref, elle nous permet d’en connaître tout juste un peu plus sur elle. C’est déjà ça de pris.
Louise Marleau Une étoile aux mille reflets. Lorraine Pintal. Les éditions La Presse 201p.    www.editionslapresse.ca

 


 

Histoire des liens entre le mouvement afro-américain et la Chine

C’est un pan méconnu de l’Histoire contemporaine que celle du lien créé entre le mouvement afro-américain et la Chine communiste. Une alliance détonnante dans le contexte de la guerre froide. En effet, en septembre 1971 il y eu cette rencontre historique entre Huey P. Newton chef des Black Panther et Zhou Enlai le premier ministre chinois. Au nombre des rencontres, la femme de Mao qui était du Politburo chinois. Le chargé de cours à l’Université de Sherbrooke sur l’histoire de la Chine Clément Broche revient sur cette page étonnante qui courre sur une période allant de 1966 à 1972.
Mao, Panthères noires et Tigre de papier Clément Broche. Presses de l’Université Laval 158p.  www.pulaval.com

 


 

Un lien bizarre avec un nom semblable à celui que le type a tué

Ce n’est pas pour rien que Le fou de Bourdieu de Fabrice Pliskin a été en lice des prix littéraires d’importance. Jugez-vous même de la singularité du sujet. Il était une fois un bijoutier, Antonin Suburre, qui se fait braquer. Il tue le voleur prénommé Chamseddine. Conséquence, il fera de la tôle pour homicide. En prison il se mettra à la lecture des oeuvres du sociologue Pierre Bourdieu dont le message central est de tendre la joue gauche à qui vous a frappé celle de droite, comme l’idéal de l’Évangile. Le hasard va le mettre sur la route d’un homme qui porte le même nom de Chamseddine. Dès lors il va à travers lui, vouloir se racheter de son geste fatal. Ça donne lieu à des épisodes loufoques, car tout oppose ces deux personnes. On pense alors à la chanson “Si tous les gars du monde”. C’est ça, une rédemption possible.
Le fou de Bourdieu Fabrice Pliskin. Le Cherche Midi 490p.   www.cherche-midi.com

 


 

Les nuages dans toutes leurs dimensions

Le cahier no. 22 de la revue Reliefs est tout entier consacré au thème des Nuages. Il semble qu’il y en a long à dire au-delà de leur simple acception météorologique. C’est un travail collectif où on a fait intervenir des participants de tous les horizons possibles qui ont quelque chose à raconter concernant ces nuages. C’est éblouissant comme enrichissement et qui nous fait prendre conscience des dimensions que représentent ces différentes masses qui flottent au-dessus de nos têtes. Au sortir de cette lecture édifiante, on ne voit plus les nuages de la même façon.
Nuages no. 22 Reliefs. 182p.    

 


 

Comment on a saboté et sabote encore l’écriture des femmes

Comment torpiller l'écriture des femmes" de Joanna Russ (1937-2011) est un essai percutant et nécessaire qui remue les conventions littéraires et culturelles avec intelligence et netteté. L'auteur(e) y décortique, avec rigueur et une plume engagée, les mécanismes — institutionnels, médiatiques et linguistiques — qui minimisent, dévient ou récupèrent les voix féminines. Plutôt que de se contenter d'un constat, le texte éclaire les stratégies concrètes par lesquelles se construit une hiérarchie des genres et propose des pistes pour la subvertir. La force de l'ouvrage tient à son équilibre entre érudition et accessibilité : références littéraires et théoriques solidement documentées, illustrations contemporaines parlantes, et un ton souvent provocateur mais jamais gratuit. L'auteure ou l'auteur sait alterner l'analyse serrée et la mise en perspective historique, ce qui donne à l'essai une portée à la fois critique et pédagogique. On apprécie aussi la finesse des nuances — l'ouvrage évite les polémiques simplistes pour privilégier une lecture structurée des phénomènes de marginalisation. Enfin, "Comment torpiller l'écriture des femmes" fonctionne comme un véritable appel à repenser nos pratiques de lecture et nos institutions culturelles : il invite lectrices et lecteurs à interroger leurs habitudes, à reconnaître des biais et à soutenir des formes d'écriture qui échappent aux normes établies. Un texte stimulant, clair et salutaire, à recommander à quiconque s'intéresse aux enjeux contemporains de la littérature, du genre et des pratiques culturelles.
Comment torpiller l’écriture des femmes Joanna Russ. Éditions Zones 219p.  

 


 

La générosité a un prix parfois élevé

L'homme sous l'orage de Gaëlle Nohant, est un roman à la fois puissant et délicat qui confirme l'auteure comme une voix singulière de la littérature contemporaine. Dès les premières pages, Nohant impose une atmosphère dense — faite d'ombres, de vents et de silences — où se joue la rencontre intime entre un personnage aux prises avec ses contradictions et un monde en devenir. Son écriture, à la fois précise et musicale, prend le temps d'installer une tension sourde qui ne cesse de gagner en intensité. Le grand mérite du livre tient à la finesse du portrait psychologique tracé par l'auteure : sans emphase ni surabondance d'explications, elle creuse les failles et les ressources de son protagoniste, rendant palpables les hésitations, les regrets et les élans qui le traversent. Les descriptions — qu'elles soient de paysages orageux, d'intérieurs clos ou d'instants de vie ordinaire — sont travaillées avec un souci du détail qui nourrit l'émotion sans jamais céder au sentimentalisme. Nous sommes au cours de la Première Grande guerre mondiale, 1917 plus précisément. Un homme
surgit qui demande refuge dans un domaine viticole. On l’héberge mais viendra avec cette belle altérité son lot de confrontations.
Gaëlle Nohant signe ici un ouvrage à la fois sensible et affirmé, qui confirme son talent d'artisane des mots.
L’homme sous l’orage Gaëlle Nohant. L’Iconoclaste 349p.    www.editions-iconoclaste.fr

 


 

Le regard lucide et caustique de Pierre Huet pour sa revue de l’année
"Ma revue de l'année 2025" de Pierre Huet est une délicieuse exploration des événements qui ont marqué notre calendrier, servie avec une dose généreuse d'humour. Avec son œil aiguisé et son style mordant, Huet parvient à transformer les nouvelles les plus sérieuses en un festival de rires. Chaque page est une invitation à la dérision, où les personnalités publiques sont traitées avec une légèreté qui vaut bien leur poids en satire. Huet ne laisse personne de côté, et c'est dans ce panorama éclectique que réside tout le charme de son ouvrage. On rit autant qu'on réfléchit  .Bref, une lecture rafraîchissante, idéale pour ceux qui aiment leur actualité avec une pincée de sarcasme et un brin de folie. À consommer sans modération lors de vos pauses café! On était jusqu’ici dans les revues caricaturales des Chapleau et Côté respectivement à La Presse et au Soleil. Désormais il faut compter sur la prose caustique de Huet.
Ma revue de l’année 2025  Pierre Huet. Les éditions La Presse 206p.    www.editionslapresse.ca

 


 

La culture du droit chez les anciens et les modernes
Voici un ouvrage qui intéressera au plus haut chef, ceux qui adhèrent déjà à l’idée d’une plus large portée du droit. L’un des apports majeurs de l’essai réside dans cette volonté d’arracher le droit à une vision positiviste étroite. Stamatios Tzitzis ancien directeur adjoint de l’Institut de criminologie et de droit pénal de l’Université Panthéon-Assas et au CNRS rappelle – parfois avec insistance – que le droit ne peut être réduit à sa dimension technique : il est inscrit dans une histoire, dans des modèles civilisationnels, dans des structures de pensée qui déterminent sa rationalité. Ce cadrage permet de comprendre la normativité juridique comme un fait culturel total, proche en cela des approches de l’école historico-institutionnaliste. Un essai de grande rigueur qui est une véritable stimulation intellectuelle. On saluera au passage la profondeur du propos qui tutoie l’érudition.
Questionnements philosophiques et culture juridique Les anciens et les modernes. Stamatios Tzitzis. Les Presses de l’Université Laval 255p.  www.pulaval.com

 


 

Le militant a payé cher son idéal de liberté
Avec Mon bagne, Alphonse Humbert livre un témoignage d’une force exceptionnelle, où la précision documentaire se conjugue avec une écriture brûlante d’humanité. La réédition par les Éditions de la Sorbonne redonne tout son éclat à ce texte injustement méconnu, essentiel pour comprendre de l’intérieur les mécanismes de la répression politique et l’expérience carcérale au XIXᵉ siècle. Humbert n’écrit jamais pour se plaindre : il raconte. Mais ce récit, d’une sobriété remarquable, dit tout — la violence institutionnelle, les humiliations quotidiennes, le poids du silence et de l’isolement. Il parvient à faire sentir, presque physiquement, la brutalité du bagne tout en préservant une dignité qui force l’admiration. Son regard est celui d’un homme qui refuse la résignation ; chaque page résonne d’un mélange rare de lucidité et de courage. L’édition scientifique de la Sorbonne sous les soins de Louis Lagarde et Michel Soulard apporte un éclairage précieux : annotations, mise en contexte historique, et présentation limpide permettent de replacer le texte dans l’histoire plus vaste des luttes politiques de l’époque. L’ensemble donne une profondeur supplémentaire à ce témoignage, sans jamais l’alourdir. On ressort de cette lecture à la fois bouleversé et enrichi. Mon bagne n’est pas seulement un document historique de premier ordre ; c’est aussi un texte littéraire puissant, porté par une voix juste et indocile. Une redécouverte indispensable pour qui s’intéresse à l’histoire sociale, aux récits carcéraux ou, tout simplement, à la résilience humaine.
Mon bagne Alphonse Humbert. Édition annotée par Louis Lagarde et Michel Soulard. Éditions de la Sorbonne 492p.    www.editionsdelasorbonne.fr

 


 

Les années 2010 décryptées
L’auteur Simon-Pierre Beaudet dans Hubris une histoire des années 2010 entreprend de retracer la décennie 2010, non pas selon une approche purement politique ou économique, mais comme une « histoire vécue » : ce qu’on a vu défiler « dans nos téléphones, à toute vitesse » Il relie des événements majeurs (printemps arabe, Trump, montée des populismes), des transformations culturelles (addiction numérique, éco-anxiété) et des mutations sociales (jeunesse milléniale. Sa narration est plus un récit qu’un essai académique : il ne prétend pas tout théoriser, mais dresser un portrait. Le style de Beaudet est concis, tout est dit en 90 pages. Il a un ton souvent personnel, presque poétique par moments, avec des “apartés” qui alternent entre moments sérieux et cocasses.Le terme ici du mot « hubris » (orgueil, excès de pouvoir) est bien choisi : il suggère que la décennie a été guidée par des illusions de maîtrise, de progrès illimité. Beaudet ne prêche pas : plutôt que de donner des leçons, il montre comment des dynamiques contradictoires (espoirs et désillusions) se sont croisées. Sorti après la pandémie, l’ouvrage semble vouloir fixer une mémoire de la décennie 2010 avant que tout ne soit réécrit ou idéalisé. Beaudet note qu’il a commencé à écrire “une fois la pandémie dissipée … comme manifestement personne n’allait le faire pour moi.”
Hubris une histoire des années 2010 Simon-Pierre Beaudet. Éditions Moult 90p.   www.moulteditions.com

 


 

Un manuel d’émancipation civique lucide et nécessaire

Avec Citoyen-ne, Normand Baillargeon, figure majeure de la pensée critique au Québec, et Camille Santerre-Baillargeon proposent un essai à la fois accessible et exigeant sur les conditions d’une participation citoyenne éclairée. Le livre s’inscrit dans la continuité du travail de vulgarisation pédagogique de Baillargeon, tout en y ajoutant une sensibilité contemporaine portée par sa co-autrice, particulièrement attentive aux dynamiques sociales et aux enjeux de justice. L’ouvrage se fonde sur une idée simple mais trop souvent négligée : la démocratie ne peut fonctionner que si les citoyennes et citoyens possèdent les outils intellectuels, pratiques et culturels nécessaires pour participer pleinement à la vie collective. Les auteurs défendent une « compétence civique » qui dépasse le simple vote. Il s’agit de comprendre les institutions, de repérer les sophismes, de décoder les messages médiatiques, de s’informer de manière rigoureuse et de cultiver l’imagination politique.
Ce projet résonne particulièrement dans un contexte saturé d’informations, où les manipulations, la polarisation et la fatigue civique menacent la qualité démocratique. La force du livre réside dans sa démarche pédagogique. Les auteurs adoptent un ton direct, souvent dialogué, qui rend les notions complexes — logique, éthique, idéologies, mécanismes institutionnels — accessibles sans jamais sombrer dans la simplification abusive. Le lecteur est invité à réfléchir, non à recevoir passivement. Les exemples sont concrets et ancrés dans des préoccupations actuelles : réseaux sociaux, désinformation, consommation numérique, enjeux d’équité. Cette actualisation donne à l’essai une pertinence immédiate. L’écriture à deux voix apporte une richesse singulière.
Citoyen-ne Normand Baillargeon et Catherine Santerre-Baillargeon. Leméac 279p.

 

 


 

La procréation telle que vécue au Sahel
L’essai Inestimables richesses : Une histoire des grossesses et des naissances au Sahel de l’historienne Barbara M. Cooper s'attaque à un sujet à la fois intimement humain et fondamentalement social : les grossesses et les naissances dans le contexte spécifique du Sahel, cette vaste région semi-aride d’Afrique de l’Ouest. L’auteure aborde le thème sous un angle multidisciplinaire, mêlant histoire, anthropologie, et études de genre pour offrir une réflexion riche et nuancée sur la manière dont les sociétés sahéliennes ont historiquement vécu, structuré et symbolisé la maternité et la naissance. L’ouvrage se distingue par sa capacité à relier plusieurs dimensions temporelles et sociales, explorant comment les pratiques liées à la grossesse et à l’accouchement ont évolué, non seulement au fil du temps, mais aussi en fonction des contextes politiques, économiques et culturels propres au Sahel. En retraçant l’histoire de ces pratiques depuis la période précoloniale jusqu’à l’époque contemporaine, l’auteure parvient à mettre en lumière l’évolution des savoirs et des savoir-faire traditionnels.
Inestimables richesses Une histoire des grossesses et des naissances au Sahel. Barbara M. Cooper. Éditions des Presses de l’Université Laval 407p. www.pulaval.com

 


 

Comment mesurer la pauvreté ? Un livre phare y répond
Pauvreté, inégalités et exclusion un ouvrage collectif préfacé par Francoise David est un ouvrage rigoureux et accessible, à sa troisième réédition, ce qui en fait un ouvrage fondateur, qui réussit à rendre intelligibles des réalités sociales souvent abordées de manière abstraite. Les auteur·e·s proposent une analyse nuancée des mécanismes structurels qui produisent la pauvreté et l’exclusion, tout en donnant une place importante aux dimensions humaines et vécues de ces phénomènes. Le livre se distingue par sa capacité à articuler théorie, données empiriques et réflexions éthiques, offrant ainsi un portrait complet des défis sociaux contemporains. L’ouvrage demeure une ressource essentielle pour quiconque s’intéresse aux enjeux de justice sociale et aux politiques publiques. En somme, un texte solide, éclairant et socialement engagé, fidèle à la tradition des Éditions Fides. Il est d’une terrible actualité.
Pauvreté, inégalités et exclusion Collectif. Fides 260p.   www.fideseducation.ca

 


 

Serge Chapleau mord comme jamais
Dans Où est Chapleau 2025, le caricaturiste Serge Chapleau offre un bilan satirique et incisif de l’année 2025. Le livre rassemble une centaine de dessins mordants, accompagnés de réflexions qui frappent juste, tant sur la scène politique québécoise que sur celle internationale. On y retrouve sa plume aiguisée, capable de faire rire tout en dénonçant les travers du pouvoir et les absurdités de l’actualité. Visuellement, l’ouvrage est solide : Chapleau maîtrise toujours autant son trait, et ses caricatures, bien que caricaturales forcément restent hélas pour ses victimes, crédibles et expressives. Le format (128 pages) est bien dosé suffisamment dense, pour donner une rétrospective complète, sans devenir trop redondant.
Où est Chapleau Serge Chapleau. Éditions La Presse 128p.  www.lapresse.ca

 


 

Sur l’Encyclopédie des patrimoines de l’Amérique française
L’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, sous la direction des Laurier Turgeon, Yves Bergeron et Martin Fournier publiée aux Presses de l’Université Laval, s’impose comme une référence majeure pour quiconque s’intéresse à l’évolution historique, culturelle et matérielle des communautés francophones du continent. L’ouvrage se distingue par son ampleur et son approche pluridisciplinaire, mobilisant des spécialistes issus de domaines variés — histoire, ethnologie, architecture, muséologie — afin d’offrir un panorama riche et nuancé du patrimoine francophone. La clarté des notices, la rigueur documentaire et l’équilibre entre synthèse et profondeur en font un outil accessible tant aux chercheurs qu’au grand public. L’ouvrage demeure un instrument indispensable pour comprendre la diversité et la complexité des expressions culturelles de l’Amérique française. Il y a mille anecdotes intéressantes. Ainsi, lorsqu’on aménagea la Terrasse Dufferin au pied du Château Frontenac, il se créa un éboulis considérable au vu du rocher meuble, qui déversera un nombre incalculables de roches sur les habitations en contrebas, causant de nombreuses victimes. On se rend compte en fin de lecture que nous sommes des nains devant la connaissance.
Encyclopédie des patrimoines de l’Amérique française Collectif. Presses de l’Université Laval 502p.   www.pulaval.com

 




 

Le coin Miam Miam
Il y a longtemps que nous n’avons plus alimenter cette rubrique si apprécié de vous. Voici deux titres qui ont en commun d’exploiter des basiques, l’un pour les classiques des cocktails, et l’autre les classiques des tables de nos grands-mamans si chères. Le premier Cocktails les 50 indispensables de Patrice Plante alias Monsieur cocktail qui nous dit comment réaliser des Cosmopolitan, Manhattan, Martini, Gin & tonic et tutti quanti. C’est aux éditions La Presse et à conserver tout près dans sa bibliothèque culinaire.
L’autre aux éditions Pratico ce sont Les recettes oubliées de grand-maman de Sébastien Labrie-Lacroix. Comme c’est mentionnée sous-titres, des plats qui traversent les générations comme le boeuf aux légumes, la salade de patates, le pâté chionosi, les bines à l’érable. Vous voyez ce qu’on veut dire par ces incontournables. Et la beauté de l’exercice se double par une action caritative. En effet c’est au profit de la Société Alzheimer de Québec.

 


 

Bande dessinée ou passe-passe textile
Carrément nous avons jeté la serviette à tenter de définir le contenu de Interludes de courtoisie triptyque textile de Noémie Poulin. Alors, exceptionnellement et pour ne pas trahir l’intention de la créatrice, nous reproduisons ici une partie de la quatrième de couverture. “Trois « récits » sans texte composent cet album de bandes dessinées hors du commun. Des récits qui sont davantage un jeu de questions réponses entre les pages qui se succèdent et créent une symphonie de couleurs et de formes. Doté d’un graphisme superbement contrôlé, cet album est le théâtre d’un jeu formel qui s’installe et amène le lecteur dans un parcours visuel élégant et ludique.” On voit une succession d’entrecroisement de motifs, de cordelettes qui auraient des choses à exprimer. Laisser aller votre imagination.
Interludes de courtoisie triptyque textile Noémie Poulin. Moelle Graphik 72p.

 


 

Sur le sort des détenus dans la France du premier XXème siècle
L’historienne Elsa Génard s’est trouvé une niche intéressante à publier, soit le sort des détenus dans la France du début du siècle dernier. Et pour ce genre de sujet, les sources ne manquent pas, bien au contraire, car comme elle le mentionne en début d’ouvrage, l’administration pénitentiaire passe son temps à scruter les incarcérés et à tout noter les concernant. On s’est scandalisé lorsque le gouvernement russe dans la présente guerre contre l’Ukraine, offrait à des prisonniers de droit commun la suppression de peine en échange de se porter au front comme soldat. Eh bien en France on ne faisait pas moins jadis pour fournir la chair à canon nécessaire. Et regarder bien si celà ne va pas se reproduire au vu du désintérêt de la jeunesse pour la chose militaire. C’est un essai riche en anecdotes qui en dit long sur l’élasticité de la moralité de nos gouvernants.
Sous les verrous Elsa Génard. Éditions EHESS/ Le temps des cerises 328p.     www.editions.ehess.fr

 


 

La tragédie de l’exploitation agro-alimentaire au détriment de tous
Quiconque fait son épicerie n’a pas besoin d’être économiste. Il voit bien que le coût des aliments au supermarché est en hausse constante, et ce, alors que les salaires n’augmentent pas. Et dans les sociétés occidentales, dites d’abondance, des mères se privent d’un repas pour pouvoir le partager avec leurs enfants! Proprement scandaleux. Le capitalisme à la sauvage est entré dans nos assiettes. Pour prendre la mesure du drame, il faut lire cet essai coup de poing Se nourrir enjeu national et international coécrit par Jocelyne Hacquemand, Alain Pirrottina et Tibor Sarcey vous avez chiffres en mains de quoi sursauter. Le premier est docteur en géographie économique tandis que les deux autres sont des économistes marxistes. L’ouvrage expose les moyens actuels de production, et comment se répartissent actuellement les richesses.
Se nourrir enjeu national et international Jocelyne Hacquemand, Alain Pirrottina et Tibor Sarcey. Le temps des cerises 296p.  

 






 

Le coin de la BD (1)
Commençons par une manga Promenons-nous dans l’espace de Inuhiko Doronoda chez l’éditeur Glénat. C’est une histoire de camaraderie entre deux lycéens japonais dont un mène une vie contrariée et l’autre se comment dans des actions répréhensibles. Puis un troisième larron s’amène, celui-là bardé de bonnes intentions et qui va ramener le premier dans le droit chemin. Scénario assez inusité en pays nippon où la rigidité est la règle, surtout en milieu scolaire.
Toujours chez Glénat, voici Toma sans peur dans un épisode intitulé Mes vacances terrifiantes. L’auteur Vannara Ty nous présente quelqu’un qui a peur d’à peu près tout et on n’exagère qu’à peine. Un jour chez son grand-père il va accidentellement briser une statuette qui libère un monstre ancestral répondant au nom de Zul. La créature propose un pacte faustien, à savoir de donner du courage à celui qui en manque, en échange de quoi il doit aider la chose à retrouver la liberté. Nous sommes ici dans le plus pur fantastique.

Du tandem Jérôme Pelissier et Carine Hinder c’est le tome 4 “La nouvelle sorcière” de la saga Brume. On se souviendra que, en tentant de donner une forme humaine à une grenouille, Brume et ses complices ont plutôt donner naissance à une terrible sorcière nommée Drouk. Comment venir à bout de cet être qui n’a que des plans maléfiques en tête ? Beaucoup d’aventures dans ces pages enlevantes. Aux éditions Glénat. Décidément l’éditeur Glénat nous gâte., En effet de Mirion Malle c’est Le problème avec les fantômes.

C’est une histoire un peu mélodramatique. Nous voici en présence de quatre copines qui sirotent un verre. A un moment donné, l’une d’elles évoque le souvenir d’un proche disparu, Caleb, dont l’esprit la hante. D’où l’explication du titre. On pourrait dire que c’est une rare BD à connotation psychologique, qui ouvre la voie à probablement d’autres thématiques des désordres de l’esprit. Ce serait alors tout un catalogue à exploiter.

 






 

Le coin BD (2)
Voici une BD des plus étranges car elle exploite un tabou, celui de la mort. C’est le personnage de Darwin créé par Freg qui au fil des tomes est confronté à diverses formes de disparition. Le tome 2 Crash Darwin nous vous rassurons, est traité de façon hyper comique. Pourquoi la perspective de fins dernières devraient engendré des angoisses ? On rit, on sourit souvent. Et quiconque comme ce créateur nous provoque par le rire, est d’office un bienfaiteur de l’humanité. C’est publié chez Michel Quintin qui garni son catalogue de BD avec des titres captivants.
Encore chez Michel Quintin c’est le tome 2 des Chroniques de ruelles avec le chapitre “Les rencontres de Zara”. L’auteur Samtar nous fait voir les tribulations d’une chatte répondant au nom de Zara qui est un peu perdue en milieu urbain. Et qui à défaut de trouver des amis, quand on sait l’individualisme des félins, a décidé de former sa gang. Ça promet. Dessins habiles et scénario maîtrisé font recettes.
Astérix en Lusitanie est à peine sorti des presses que ça été le succès fou, inattendu même à un tel niveau. Les duettistes Fabcaro à la scénarisation et Didier Conrad au dessin ont conçu une histoire où un lusitanien (c’est le pays voisin de l’Hispanie) vient quérir de l’aide à nos deux héros. Comme c’est deux là ne sont motivé que par de justes et nobles actions, les voici dans la mêlée, et ça barde. Encore là tout l’esprit de Goscinny et Uderzo est au rendez-vous.

 






 

Le coin BD (3)
La BD joue aussi parfaitement un rôle conjoint d’informer. Ce qui n’est pas contradictoire que d’apprendre et se divertir à la fois. Come ce Morgentaler avec elles de Michel Viau et Dante Ginevra qui revient sur les quinze années de lutte juridique acharnée mené par le Dr. Henry Morgentaler pour que l’avortement soit légalisé. Et à qui rien ne lui sera épargné pour lui mettre des bâtons dans les roues. Merci à Pierre-Elliott Trudeau ne serait-ce que pour cela et la décriminalisation de l’homosexualité. Le Dr. Morgentaler en bout de piste sera devenu une figure de héros. Et rien n’annonçait une telle finale. Chapeau aux coauteurs pour ce devoir de mémoire. Aux éditions Glénat.
Chez Glénat, nouvelles aventures de Pol Polaire signé Caroline Soucy. Là on est en plein surréalisme. Jugez vous-même, avec une famille d’ours polaire qui file vers…l’Amazonie afin de ramener un paresseux que l’on a extirpé d’un zoo. Et dans cet hémisphère sud, hostile a priori, ce sont des humains qui feront figure de pires prédateurs. Mais heureusement des contacts locaux leur feront éviter le pire.

Et puis une BD biopic, celle de Steven Spielberg le cinéaste et producteur de génie qui en agace plusieurs en raison de son talent hors norme. Que voulez-vous, il ne peut tout de même pas rapetisser. C’est écrit et dirigé par Amazing Ameziane aux éditions du Rocher. Tout ce que vous vouliez savoir sur lui et que vous n’osiez demander s’y trouve. Et son succès il ne l’a pas vol, que non comme on le constate dans ces pages et qui nous donne le goût de revoir ses réalisations.

 


 

Le coin de la poésie,  Haïku et pas que…
La poétesse Luce Pelletier a atteint une telle dextérité dans l’emploi de la poésie à la japonaise, qu’elle se trouve juge du volet francophone de haïkus de l’École internationale des Nations-Unies. Elle nous arrive avec ses dernières inspirations dans ce recueil Le royaume de la corneille qui ne se contente pas que de l’emploi de haïkus mais aussi des senryus, haïbuns, et rengoums. qui sont autant d’outils littéraires pour exprimer sa vision du monde qui est totalement désaxé. Un premier poème “Le bout du monde” le dit bien “au-delà de l’horizon tout ce que je ne vois pas baigné de soleil”.
Le royaume de la corneille Luce Pelletier. Éditions David 115p.  www.editionsdavid.com

 


 

Une exploration de la guerre de sexcesssion, les incels
Dans Les incels, publié aux éditions remue-ménage, Annvor Seim Vestrheim propose un essai lucide et rigoureux sur un phénomène souvent mal compris : la communauté des « involuntary celibates ». L’autrice réussit à articuler analyse sociologique, réflexion féministe et mise en contexte culturelle pour montrer combien l’idéologie incel s’inscrit dans un continuum de misogynie plus large. Son approche se distingue par une volonté de dépasser la caricature. Plutôt que de réduire les incels à des figures pathologiques, Vestrheim examine les dynamiques sociales, les angoisses identitaires et les logiques de pouvoir qui alimentent ce milieu. L’écriture, accessible sans être simplificatrice, rend l’ouvrage pertinent autant pour les spécialistes que pour un lectorat curieux de comprendre ce pan sombre mais révélateur de la culture contemporaine. Un livre essentiel pour quiconque s’intéresse aux mutations sociales et aux violences genrées.

Les incels du clic à l’attentat. Annvor Seim Vestrheim. Éditions du remue-ménage 168p.    www.editions-rm.ca

 


 

Une course pour mettre le grappin sur l’uranium congolais
Dans L’équation avant la nuit, publié aux Éditions Mémoire d’encrier, Blaise Ndala confirme une fois de plus sa maîtrise d’un récit qui allie intensité narrative et profondeur humaine. L’auteur y déploie une écriture ciselée, vibrante, qui ne cède jamais à la facilité : chaque phrase semble porter le poids d’un monde, mais aussi l’espoir de le comprendre autrement. Un ouvrage qui lève le voile sur une la compétition que se sont livrés l’Allemagne nazie et les Alliés pour mettre le grappin sur l’uranium du Congo belge, composante essentielle à la fabrication de la bombe atomique. Ce qui frappe, c’est la puissance du récit, tel un thriller toujours ancré dans une lucidité politique et sociale. Ndala parvient à faire dialoguer l’intime et le collectif, l’histoire et le présent, comme s’il cherchait à résoudre – justement – cette « équation » qui habite ses personnages : comment survivre à la nuit tout en la traversant ? Comment dire la douleur sans renoncer à la lumière ? La force de L’équation avant la nuit tient enfin à son amplitude. L’écriture, parfois incandescente, parfois d’une sobriété presque tranchante, ouvre sans cesse des brèches vers la réflexion, la mémoire, l’émotion. C’est un roman qui touche autant qu’il interroge, qui se lit avec le cœur autant qu’avec l’esprit. En somme, Blaise Ndala fait ici devoir de mémoire.
L’équation avant la nuit Blaise Ndala. Mémoire d’encrier 387p.  www.memoiredencrier.com

 


 

Une croisière littéraire qui prend un tour inattendu
Dans Si les chats pouvaient parler, Piergiorgio Pulixi que son éditeur présente comme le nouveau maître du thriller italien, signe un roman aussi singulier qu’irrésistible, où la noirceur du polar s’allie à une fantaisie subtile et pleine d’humanité. Fidèle à son talent pour sonder les zones d’ombre de l’âme humaine, l’auteur s’éloigne ici des codes classiques du genre pour proposer une histoire à la fois espiègle, mélancolique et profondément lumineuse. Une librairie met de l’avant une activités professionnelle en demandant à un écrivain de compléter son travail à bord d’un navire qui navigue en Sardaigne. Sauf qu’il se produira un meurtre. Là tout bascule comme un polar à la Agatha Christie. Personne ne doit quitter le navire tant qu’on a pas élucidé l’affaire. On retrouve dans ce texte un sens aigu de l’atmosphère, des dialogues vivants, et ce pouvoir de faire voyager le lecteur bien au-delà du simple récit. Pulixi parvient à créer un climat qui touche autant qu’elle divertit, sans jamais sacrifier l’intelligence du propos.
Si les chats pouvaient parler Piergiorgio Pulixi. Gallmeister 331p.